mercredi 2 mars 2016

Reid Miles et les pochettes de jazz Blue Note Records (1956-1966)

Au début des années 50, malgré des budgets réduits, le petit label de jazz Blue Note Records édite avec beaucoup de soin des albums en exploitant un progrès technique : le format LP (ou 33 tours). Le LP offre plus d’ampleur au travail des musiciens en leur permettant de développer un style novateur, le hard bop. Il présente aussi de nombreuses possibilités graphiques au niveau de la pochette.
Blue Note veut se démarquer de la politique appliquée par les grosses compagnies. 
Sa volonté est de trouver un design graphique qui se combinerait à la qualité musicale de ses albums, les transformant en créations uniques.
C’est dans ce but que Reid Miles débute officiellement sa collaboration avec Blue Note en 1956. Il est alors âgé de 29 ans, a étudié dans une école de design réputée à Los Angeles, qu’il a quitté pour venir travailler à New York.
Pour concevoir ses couvertures d’albums, le designer travaille à partir des photos épurées prises par Francis Wolff, cofondateur du label. 
Cette alchimie fonctionne à merveille. 
Paradoxalement, il s’agit au départ d’un job mal payé (50 $ par pochette) exécuté en quelques heures. 
En effet, Reid Miles réalise plusieurs pochettes d’affilée le samedi, car durant les autres jours de la semaine il travaille en tant que maquettiste pour le magazine Esquire (dans la foulée il élabore aussi des couvertures d’albums pour un autre label de jazz, Prestige).
Le designer américain propose un graphisme simple, efficace et audacieux, basé sur des photos souvent traitées en monochromie, avec beaucoup de noir et d’espaces vides. Il se caractérise également par un mélange harmonieux et dynamique de typos (surtout Sans Serif) et de photos.
Son influence la plus notable est celle de Saul Bass, connu pour ses affiches de cinéma et ses génériques (notamment pour les films d’Alfred Hitchcock).
Les pochettes se succèdent à une cadence élevée et Reid Miles construit en quelques années une oeuvre cohérente et immédiatement identifiable qui contribue grandement au succès du label et à la popularité de ce style de jazz. 
Les années 50 et 60 voient aussi la communauté afro-américaine lutter contre la ségrégation raciale, affirmer ses droits et revendiquer sa dignité, notamment à travers la musique (rhythm’n’blues, soul, jazz). Grâce à ses pochettes qui accèdent au rang d’icônes de culture populaire, Blue Note Records procure une visibilité énorme à certains musiciens afro-américains et devient un des vecteurs de cette lutte.
En 1966, le label est revendu à Liberty Records.
Reid Miles quitte le navire et préfère se consacrer à la photographie.
Il reviendra aux couvertures d’albums beaucoup plus tard, mais avec une approche totalement différente.
Son travail pour Blue Note, devenu classique et souvent plagié, marque une étape cruciale dans l’histoire du design.

Il a dépassé la dimension formelle pour devenir un acteur des bouleversements et des évolutions de son époque.













































Couverture d'album réalisée par Saul Bass :


















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